Le Musée des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou

Le Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou abrite l’un des plus importants ensembles d’œuvres d’art en Russie. Y sont réunis des monuments de l’art mondial depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Les diverses collections du mu sée s’élèvent à l’heure actuelle à plus d’un demi-million de pièces.

Sa plus riche collection est celle de la galerie de peinture qui jouit à bon droit d’une renommée mondiale. Elle contient des icônes byzantines, des ta bleaux de Botticelli, Cranach, Rembrandt, Poussin, Rubens, Tiepolo, Monet, Renoir, Cézanne, Matisse et Picasso, ainsi que d’autres chefs-d’œuvre signés par les plus grands maîtres de la peinture européenne du XVe au XXe siècle.

L’histoire de la fondation du musée remonte aux années 1750 quand l’idée fut lancée pour la première fois de l’ouverture à Moscou d’un musée d’art où seraient conservés des monuments de l’art classique. Ce projet fut soutenu plus tard par les professeurs de l’Université de Moscou. Un 1894, à la Première session des peintres russes, Ivan Tsvetaïev qui remplissait alors les fonctions de chef de la chaire d’histoire de l’art à l’Université de Moscou, proposa d’organiser une collecte afin de réunir les fonds nécessaires à la construction d’un édifice pour le futur musée. Quatre années plus tard fut créé un Comité d’organisation du musée dans lequel entrèrent d’illustres savants, peintres et sculpteurs de Moscou. Tsvetaïev sut également obtenir le soutien des industriels et commerçants moscovites. La pose de la première pierre du bâtiment eut lieu en 1898. Quatorze années passèrent et le 31 mai 1912 le Musée des Beaux-Arts ouvrit solennellement ses portes au public. L’édifice construit selon le projet de l’architecte moscovite Roman Klein occupa aussitôt une place en vue parmi les plus remarquables bâtiments publics de la capitale.

Etroitement lié par son organisation et ses activités à l’Université, le nouveau musée avait tout d’abord été conçu par Tsvetaïev comme un établissement d’enseignement des arts. Son premier noyau était constitué par des moulages de sculptures antiques, médiévales et de la Renaissance. Tsvetaïev participa personnellement à la création de ce fonds. Il commanda aux plus grands musées de Berlin, Munich, Paris, Londres, Rome et Naples des moulages en gypse des plus précieux originaux de leurs collections. Institué comme une collection de moulages, le Musée des Beaux-Arts joua et continue de jouer un rôle important dans l’enseignement de l’art des périodes classiques de l’histoire mondiale.

La Grande Révolution Socialiste d’Octobre modifia totalement la destinée et l’aspect du musée. Le nouveau régime, en effet, déploya une large activité muséologique et le 27 mars 1924, le Commissariat du Peuple à l’Instruction publique adopta un décret concernant la réorganisation du Musée des Beaux-Arts. La résolution fut prise alors de compléter ses collections par des œuvres authentiques et en premier lieu par des tableaux. Les deux premières salles de la nouvelle galerie de peinture du musée furent ouvertes le 10 novembre 1924, à l’occasion du 7e anniversaire de la Révolution. C’est alors que fut inaugurée une exposition temporaire des tableaux transférés du Musée de l’Ermitage et d’autres collections de Leningrad (Saint-Pétersbourg).

11 est difficile de surestimer la portée de cet événement dans la vie culturelle de Moscou à cette époque. Ce fut en réalité une seconde naissance du musée qui désormais était à même de présenter au public des chefs-d’œuvre authentiques et non seulement des copies. Par ailleurs, l’accroissement ininterrompu était déterminé par de nouveaux principes tenant compte des progrès de la muséologie. ainsi que par la volonté de donner au large public la possibilité de mieux connaître les valeurs spirituelles et artistiques les plus appréciables. Ces principes excluaient d’autre part toute prétention dictée par les goûts de la mode, le prestige ou des visées d’ordre commercial. Il faut ici souligner l’importance qu’eurent pour les musées du pays les décrets, signés par Lénine aussitôt après la Révolution, sur le recensement et la conservation des œuvres et monuments d’art, ainsi que sur leur nationalisation. Le 19 septembre 1918, le Soviet des Commissaires du Peuple édita un décret sur l’interdiction de faire sortir du pays les pièces d’art et les antiquités (à la suite de la tentative de passer à l’étranger la Madone et l’enfant de l’école de Botticelli provenant de la collection de la princesse Ekaterina Mechtcherskaïa et se trouvant maintenant au Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou.

Dans les années 1924-1930, les collections du musée s’accrurent d’une manière particulièrement intense. C’est durant cette période que fut entreprise une opération muséologique de grande envergure dont le but consistait à étudier des centaines de collections et des dizaines de milliers de pièces d’art, et de sélectionner les œuvres devant entrer au musée. Cette activité fut dirigée par des savants soviétiques réputés et par les meilleurs spécialistes dans le domaine de l’histoire de l’art de l’Europe occidentale : Nikolaï Rornanov (Directeur du musée à partir de 1923 et auteur du plan de sa réorganisation), Abram Efros (chef du département de la peinture française) et Viktor Lazarev (spécialiste en peinture italienne). C’est à la compétence scientifique, et à l’énergie de ces savants que le musée doit l’acquisition de ses plus précieux tableaux de maîtres anciens.

Au cours de ces six années, le musée s’enrichit ainsi d’un ensemble prestigieux d’œuvres authentiques parmi lesquelles figuraient des pièces de la plus haute qualité. Les principales entrées enregistrées par le Musée des Beaux-Arts de Moscou provinrent alors du Département des Beaux-Arts du Musée Roumiantsev (qui avait alors fermé ses portes), de la Galerie Trétiakov (qui transmit les œuvres d’art d’Europe occidentale qu’elle renfermait) et du Musée de l’Ermitage. Une grande quantité de tableaux et d’autres objets d’art entrèrent en provenance de collections particulières nationalisées.

En 1930 la première étape d’accumulation due au transfert de grandes collections ou de leurs parties fut terminée. A partir du début des années 1930, l’activité du musée dans le domaine de l’acquisition obtient un nouveau caractère. Dès lors, le champ de recherche se limite aux antiquaires et aux propriétaires de collections privées. L’attention des conservateurs est également dirigée vers les expositions temporaires où ils font leurs achats; ils enregistrent aussi les legs et les dons des collectionneurs et des artistes. Ils opèrent enfin des échanges avec les autres musées. En même temps, le musée mène un sérieux travail de systématisation et d’attribution scientifique des nouvelles acquisitions. A partir de 1936, se met à fonctionner la Commission Centrale d’Achat (dénommée à présent Commission d’Expertise) qui fait l’acquisition de pièces sur la recommandation des Conseils d’expertise du musée.

L’activité du musée, qui en 1932 reçut le nom de Musée des Arts Figuratifs, puis en 1937 celui de Musée des Beaux-Arts Pouchkine qu’il porte jusqu’à nos jours, fut interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Plus de 100 000 pièces — tableaux, sculptures, dessins, gravures, livres anciens, archives — furent évacuées en Sibérie. Les collaborateurs du musée, conservateurs et restaurateurs firent en sorte que durant ce transfert aucune pièce ne fût perdue ou endommagée. En 1944, alors que la victoire était déjà proche, les collections du Musée des Beaux-Arts Pouchkine revinrent à Moscou. On remit à neuf les toitures du bâtiment qui avaient souffert des bombardements, et l’on entreprit la mise en place des trésors du musée. Ses collaborateurs reprirent leurs travaux. Au cours de cette période de rénovation, l’activité des restaurateurs acquit une importance primordiale. Ils furent alors dirigés par le peintre Pavel Korinc. Le 3 octobre 1946, Je musée ouvrit à nouveau ses portes devant le public.

La fin de la guerre fut marquée par un important événement dans l’histoire du musée: il abrita temporairement les trésors de la Gemàldegalerie de Dresde sauvés par les soldats de l’Armée Rouge. Ils avaient été découverts dans des caves humides et durent sans délai être remis aux soins des restaurateurs. En 1955, en signe d’amitié, on remit à la République Démocratique Allemande les tableaux de la galerie de Dresde.

En 1948, on procéda à la répartition, entre le Musée des Beaux-Arts Pouchkine et le Musée de l’Ermitage, des collections du Musée de l’Art Occidental Moderne de Moscou. Le fonds principal de ce musée qui devait fermer ses portes était constitué par deux ensembles de peinture ayant appartenu aux collectionneurs moscovites Sergueï Chtchotikine et Ivan Morozov (début du XXe siècle). Ayant été nationalisés en 1918, ils formeront jusqu’en 1923 deux musées indépendants : le Premier Musée de la Nouvelle Peinture Occidentale (anc. collection Chtchoukine) et le Deuxième Musée de la Nouvelle Peinture Occidentale (anc. collection Morozov). En 1923, ils furent administrativement réunis sous le nom de Musée du Nouvel Art Occidental qui. en 1925, devint une filiale du Musée des Beaux-Arts. En 1928, les deux collections furent rassemblées dans les mêmes locaux (là où se trouvait la collection Morozov) et constituèrent un musée indépendant, celui de l’Art Occidental Moderne. Dès les premières années de son existence, ce musée développa une large activité pour agrandir ses collections, accordant une attention particulière à l’art révolutionnaire de l’époque. Achats aux expositions, dons des artistes et échanges doublèrent le fonds du musée en un court laps de temps.

Le transfert dans le Musée des Beaux-Arts Pouchkine d’une partie des toiles conservées jusqu’alors dans le Musée de l’Art Occidental Moderne, modifia profondément le caractère de l’exposition de notre musée, comme l’avait fait, à l’époque, l’apport de tableaux dans la galerie de moulages. Encore une fois, les limites de la collection du Musée des Beaux-Arts s’élargirent considérablement et cela surtout grâce à l’entrée d’oeuvres de qualité très appréciable, signées par des maîtres modernes.

Au cours des dernières années, le musée continue à compléter ses fonds grâce à des échanges avec les musées des pays socialistes. Ainsi, entrèrent des tableaux, des travaux graphiques et des sculptures en provenance de la République Démocratique Allemande, de Bulgarie et de Tchécoslovaquie.

Par ailleurs, le musée réalise systématiquement des achats par l’intermédiaire de la Commission d’Expertise. 11 en effectue notamment à l’étranger et aux expositions d’art étranger ouvertes en Russie. Les nouvelles acquisitions sont régulièrement présentées à des expositions spéciales.

Ainsi, le rassemblement des œuvres qui forment à présent le fonds du Musée des Beaux-Arts Pouchkine dura plus de soixante-dix ans. Ce fonds offre, à différents degrés de plénitude, un panorama de l’évolution de l’art mondial, illustrant chacune de ses époques, chacune de ses écoles et l’œuvre des plus grands noms de l’art. Ajoutons à cela que toutes les sections possèdent des pièces maîtresses qui font la fierté du musée.

La galerie de peinture débute avec un ensemble d’icônes byzantines parmi lesquelles se distinguent de rares exemplaires. L’icône du XIe siècle, Saint Panteleïmon, est un spécimen classique où la figure du saint est rendue avec une rigide frontalité. Parmi les chefs-d’œuvre de l’art byzantin de la première moitié du XIVe siècle, figurent l’icône des Douze apôtres, l’Annonciation et la Dormition de la Vierge, créations des maîtres de la métropole. A cette époque, la peinture byzantine perd de sa monumentalité et se laisse imprégner par des éléments de l’art profane et marquer par des traits propres à la culture antique de la dernière époque. Les auteurs des Douze apôtres animèrent leurs personnages d’un mouvement plein de naturel et les placèrent dans une composition libre de toute contrainte.

La première période de la peinture de l’Europe occidentale est représentée par une excellente collection (quoique peu nombreuse) d’œuvres de peintres italiens des XIIIe et XIVe siècles, parmi lesquelles nous citerons deux rares icônes du XIIIe : une Vierge trônant due à un maître anonyme de Pise et un tableau d’autel rereprésentant le même sujet, attribué à l’école de Florence; la Madone y est entourée de scènes où sont représentés des épisodes de sa vie. La première icône offre des traits de l’art de Byzance : jeu raffiné des lignes dorées et caractère extrêmement, inspiré du personnage. Dans la seconde, se laissent facilement deviner les qualités qui seront propres à la peinture de l’école florentine : rendu énergique de la plastique des formes et emploi de la couleur locale.

Le XVe siècle, celui de la haute Renaissance italienne, est illustré au Musée des Beaux-Arts Pouchkine par des travaux de maîtres qui conservèrent dans leur création certains aspects de la tradition gothique. Ces travaux témoignent de la complexité de l’évolution de l’art de la Renaissance, de ses étapes transitoires. de l’interaction de différentes tendances, de la diversité des écoles locales et des individualités créatrices de cette époque. Nous mentionnerons ici le polyptyque la Vierge et l’enfant avec des saints de Francesco d’Antonio de Ancona. la Décollation de saint Jean-Baptiste de Sano di Pietro, deux volets portant des figures de saints dus à Stefano di Giovanni Sassetta, peintre de l’école de Sienne. Ce dernier, qui compte parmi les plus illustres peintres siennois du Quattrocento, dotait ses personnages d’une grâce pleine de fragilité, mettant à profit son don particulier pour le tracé subtil de belles lignes.

La Renaissance italienne qui rejeta l’ascétisme médiéval pour s’adonner au culte de la beauté de l’homme terrestre et de la nature, est présentée au musée dans les tableaux de grands maîtres qui travaillèrent à la limite des XVe et XVIe siècles. La Vierge et l’enfant du Pérugin — le maître de Raphaël — nous montre toute la sérénité, la joie et la poésie de la maternité. L’un des chefs-d’œuvre conservés au musée, l’Annonciation de Sandro Botticelli, date de la dernière période, pleine de dramatisme, de la vie du peintre, et pourtant, malgré le trouble intérieur que l’on devine dans le rendu des personnages, ceux-ci n’en expriment pas moins le thème de la grandeur spirituelle et de la beauté de l’homme.

Le musée possède un ensemble relativement grand de tableaux italiens du XVIe siècle peints par des artistes groupés autour des plus grands maîtres de la Renaissance et porteurs de leurs traditions, ainsi que par ceux qui surent trouver eux-mêmes des solutions hardies aux plus difficiles problèmes que posait l’art de leur époque. Parmi les premiers nous trouvons un grand nombre d’élèves et de disciples de Léonard de Vinci. La collection de tableaux de l’école vénitienne est particulièrement riche. On y voit plusieurs tableaux dus à l’un des plus illustres peintres vénitiens, Paolo Véronèse : une Minerve (esquisse pour une peinture murale) et un Repos pendant la fuite en Egypte datant de la dernière période du maître; ces travaux de la plus haute qualité sont de brillants témoignages du grand talent de l’artiste. L’exposition italienne présente également plusieurs tableaux illustrant la création des maîtres du Nord de l’Italie.

Parmi les écoles de peinture de l’Europe du Nord des XVe et XVIe siècles, la première place revient à celle des Pays-Bas. Les tableaux les plus anciens appartenant à cette école et se trouvant au Musée des Beaux-Arts de Moscou, datent de la fin du XVe et des premières décennies du XVIe siècle. Ces œuvres révèlent la diversité des recherches suivies par les peintres tout en témoignant de la coexistence de différentes tendances dans la peinture néerlandaise de cette époque : anciennes traditions gothiques, romanisme exprimant la tendance italianisante, et mouvement réaliste.

Néanmoins, les plus remarquables toiles de cette partie de l’exposition du musée illustrent l’inclination des artistes de ce pays à l’observation concrète, à la représentation de l’espace et au rendu des traits propres à chaque phénomène, a chaque homme et à chaque objet. Dans le tableau de Jan Mostaert « Ecce homo», les visages des personnages évangéliques possèdent toutes les qualités expressives de portraits. Ce qui attire dans le Chemin de Croix de Herri Met de Blés, ce ne sont pas tant les personnages qui sont les acteurs du drame représenté, que l’extraordinaire paysage montagneux. L’Adoration des Mages et la Nativité dues à des peintres anonymes de la première moitié du XVIe siècle manifestent le désir commun de leurs auteurs de transformer ces épisodes des Ecritures en d’élégantes scènes théâtralisées.

La collection de peinture allemande des XVe et XVIe siècles contient plusieurs travaux qui mettent parfaitement en relief les qualités primordiales de l’art de l’Allemagne où la Renaissance ne parvint qu’un demi-siècle après son éclosion en Italie. Au XVe siècle prédominent encore les traditions de la peinture médiévale, bien que les sujets religieux possèdent un caractère narratif très prononcé et soient relevés de nombreux détails accessoires. Les plus anciennes oeuvres allemandes conservées au musée sont deux volets de l’autel de Sebenstein (la Nativité et l’Adoration des Mages) dus au Maître du Château de Liechtenstein. L’autel qu’il peignit est un ouvrage typiquement gothique; l’absence de plans spatiaux nettement délimités, l’immatérialité des figures, la richesse des dorures et l’atmosphère de profonde piété qui émane de ces deux compositions, en font des œuvres appartenant intégralement à l’art médiéval.

La Renaissance allemande atteint à son apogée au cours des premières décennies du XVIe siècle. De cette période datent la Crucifixion pleine de dramatisme, due au peintre souabe dénommé Maître de Messkîrch, et la Fuite en Egypte du Monogrammiste AB qui est un volet d’un autel dont d’autres parties se trouvent à la Gemàldegalerie de Dresde. L’un des plus illustres maîtres de la Renaissance allemande, Lucas Cranach l’Aîné, est représenté au musée par de magnifiques travaux. Sa Vierge est empreinte de lyrisme et d’une extraordinaire sérénité d’âme. Mieux que quinconque, Cranach sut obtenir une parfaite harmonie entre l’homme et la nature qui l’entoure; il fut l’un des premiers à donner une représentation authentique de la nature de son pays natal, la région montagneuse de l’Allemagne méridionale. Son tableau intitulé l’Age d’Argent (les Fruits de la Jalousie) témoigne de l’humanisme de son auteur qui s’inspira d’un sujet du poème d’Hésiode les Travaux et les Jours. L’influence de Cranach se laisse facilement discerner dans l’Allégorie de l’Amour du peintre souabe Matthies Gerung, qui est un modèle de peinture « savante » adressée aux connaisseurs. Trois épisodes tirés de la mythologie antique et chrétienne y sont appelés à illustrer l’idée de la vertu de l’amour.

La peinture du XVIIe siècle est l’une des plus prestigieuses de la galerie du musée : elle renferme des oeuvres de peintres hollandais, flamands, français, italiens et espagnols; les noms de Rembrandt, Jacob van Ruisdael, Nicolas Poussin, Claude Lorrain, Pierre Paul Rubens, Jacob Jordaens, Zurbarân, Murillo, Strozzi et Domenico Fetti attestent éloquemment la qualité de cet ensemble. La première place y est occupée par la collection hollandaise. Dans les tableaux des peintres du début du XVIIe siècle tels que Hendrick Goltzius et Abraham Bloemaert se font encore sentir les traditions du romanisme, tandis que l’œuvre du peintre d’Utrecht Gérard Honthorst trahit une forte influence du Caravage. Mais les portraits de Jan Ravenslein et Paulus Moreelse, les scènes de genre de Dirck Hais et Pieter Codde, le paysage de Hendrick Averkamp, la Patinoire, annoncent le début d’un art véritablement national, recherchant la vérité dans la représentation de la vie quotidienne et ayant défini ses différents genres. Les plus grands maîtres du paysage hollandais sont représentés par toute une série de toiles de la plus haute qualité. Poésie et rendu subtil de l’atmosphère et de la lumière caractérisent les toiles des peintres de la première moitié du XVIIe siècle .Tan van Goyen (Vue de Waal près de N’imègue, la Fenaison) et Salomon van Ruysdael (Paysage avec une rivière). Puissance et profondeur dramatique distinguent la Vue d’Egmond aan Zee de Jacob van Ruisdael.

La scène de genre qui connut sa meilleure période dans les années 1640-1660, est illustrée par des tableaux des plus grands artistes. Les toiles d’Adriaen van Ostade se caractérisent par leurs traits grotesques (Scène à l’auberge, la Rixe, Repas de paysans). Pourtant son Flûtiste est peint avec beaucoup de chaleur humaine. Les scènes de genre signées par Gabriel Metsu se font remarquer par leur véracité dans le rendu des personnages et des sujets. Gérard Terborch peut être rangé parmi les peintres hollandais les plus subtils, en témoigne son Portrait d’une dame qui frappe par l’élégance de l’exécution et du coloris. Pieter de Hooch est représenté au Musée des Beaux-Arts Pouchkine par deux tableaux dont l’un, le Matin d’un jeune homme, se rapporte à la première période du peintre, et le second, l’Enfant malade, se rattache, au contraire, à la fin de sa carrière créatrice. Mais l’un et l’autre produisent au même degré cet effet d’intimité qui est propre aux meilleures toiles de l’artiste. Emanuel de Witte élargit le cadre de la scène de genre hollandaise et mit ses héros sur les places des marchés et dans les intérieurs d’églises. Les tableaux du musée, Marché au port et Intérieur d’église, sont d’excellents spécimens de sa création.

Les natures mortes hollandaises qui entrent dans la collection du musée permettent de suivre toutes les étapes de l’évolution de ce genre, à commencer par les tableaux des peintres de Haarlem Pieter Claesz (le Déjeuner) et Willem Heda (Jambon et vaisselle d’argent).

Les six tableaux de Rembrandt font la fierté du musée. Dans ces œuvres, le grand Hollandais incarna avec une puissance et une profondeur inégalées le monde des sentiments et la beauté spirituelle de l’homme. Le Christ chassant les marchands du temple (1626) est une des œuvres maîtresses de la première période du peintre. L’Incrédulité de Thomas est une toile qui caractérise la quête du maître durant les années 1630-1635. Les trois portraits de Rembrandt appartenant au musée comptent parmi les meilleures créations du grand maître dans ce genre : Portrait d’une femme âgée, Portrait de vieille femme et Portrait d’Adriaen van Rijn(?) (milieu des années 1650). Ce sont de parfaits exemples de ce type de portrait que les spécalistes dénomment « portrait-biographie ». Parmi les chefs-d’œuvre de Rembrandt figure le tableau Assuérus, Aman et Esther peint en 1660. Ici, le maître atteint une extraordinaire profondeur dans la représentation de la vie intérieure et de la puissance spirituelle de ses héros. Le dramatisme du conflit trouve son expression dans la combinaison des tons rouges et dorés où les nuances de la couleur et de la lumière font écho à des valeurs spirituelles et éthiques.
L’excellente collection de peinture italienne du XVIIe siècle fut pour la première fois appréciée à sa juste valeur après l’exposition de tableaux italiens des XVIIe et XVIIIe qui eut lieu à Moscou en 1961. C’est alors que commença l’étude systématique de cette partie de la galerie où se trouvent jusqu’à présent nombre de toiles dont l’attribution doit encore être précisée. Mais l’on peut toutefois affirmer que, par leur nombre, les œuvres des représentants des tendances réaliste et romantique dominent sur celles des artistes officiels et de cour.

Les peintres de l’école vénitienne jouèrent un rôle prépondérant dans l’évolution de la tendance réaliste de la peinture italienne de la première moitié du XVIIe siècle. Les plus remarquables tableaux de cette partie de l’exposition sont les œuvres de Domenico Fetti (David avec la tête de Goliath), Bernardo Strnzzi (la Vieille coquette, Jésus rassasiant cinq mille hommes avec cinq pains et deux poissons, l’Astronome et son élève).

L’ensemble de peinture française du XVIIe siècle renferme de véritables chefs-d’œuvre. Deux tendances diamétralement opposées s’affrontent à cette époque : l’art de cour qu’illustre, dans la collection du musée, l’Annonciation, une toile monumentale de Simon Vouet, et l’art influencé par les idées démocratiques du Caravage, dont le Reniement de saint Pierre de Valentin de Boulogne est un parfait exemple. La partie centrale de cette collection est occupée par les tableaux de Nicolas Poussin et de Claude Lorrain qui sont d’illustres représentants du mouvement dominant dans l’art français de cette époque : le classicisme. Les toiles de Poussin que possède le Musée des Beaux-Arts Pouchkine se rapportent à différentes périodes de sa carrière. La Victoire de Josué sur les Amorrkéens caractérise les premiers pas du maître, tandis que Renaud et Armide, que l’on peut ranger parmi les chefs-d’œuvre du musée, recèle toutes les qualités de son art : beauté de ses héros, générosité de leurs sentiments, harmonie parfaite de la composition et du coloris. La Continence de Scipion est une œuvre purement classique dont le caractère présente un certain schématisme. Le Paysage avec Hercule et Cacus est une œuvre maîtresse de la dernière période de Poussin.

Le thème de la nature occupa une place importante dans l’art français à l’époque du classicisme. Les paysages empreints de lyrisme de Claude Lorrain, Matin, Soir et l’Enlèvement d’Europe sont inspirés par les traditions de l’art antique et par la nature italienne. Grandeur de l’espace, limpidité, quiétude, caractérisent les œuvres de ce grand paysagiste français.

La peinture flamande du XVIIe siècle est représentée au Musée des Beaux-Arts Pouchkine par ses plus grands noms : Pierre Paul Rubens, Jacob Jordaens, Frans Snyders et Antoine Van Dyck; aussi, cette exposition, quoique peu nombreuse, peut se vanter de posséder de rares chefs-d’œuvres. Nous y trouvons six tableaux de Rubens, le plus grand représentant de la peinture des Pays-Bas, qui arborent tout le lyrisme, l’éloquence, la sensualité, le dynamisme puissant et riche en couleurs dont témoigne toute son œuvre. Sa Bacchanale est un merveilleux exemple de composition à multiples figures sur un sujet mythologique. Le talent de portraitiste de Rubens est attesté par un portrait féminin conservé au Musée des Beaux-Arts Pouchkine. L’Apothéose de la duchesse Isabelle et la Cène mettent en évidence la richesse de son langage pictural, toute l’opulence de la composition et toute la fantaisie dont était doté le talent du maître. L’élève de Rubens, Van Dyck est représenté au musée par trois portraits dont le meilleur est le Portrait de Jan van den Wouwer. Les tableaux de Jacob Jordaens {Satyre chez le paysan, Ulysse dans l’antre de Polyphème et la Fuite en Egypte) mettent en relief les traits spécifiques de la peinture de genre des Pays-Bas et ses liens étroits avec l’esprit et les idéaux du peuple. Le plus grand maître de la nature morte flamande fut incontestablement Frars Snyders dont le musée possède une Nature morte au cygne et une Boutique de poissonnier. Ce genre est également illustré par des toiles de Jan Fyt et Daniel Seghers. Toute la maîtrise d’Adriaen Brouwer, ce peintre de scènes paysannes et de scènes de la vie d’auberge est présente dans ses œuvres expressives le Scribe et la Rixe. Le paysage flamand est représenté par des travaux de Jan Siberechts {le Passage à gué) et de Jan Brueghel de Velours.

Dans la collection d’artistes espagnols du XVIIe, l’on peut voir des œuvres des plus grands peintres de cette époque (sauf Vélasquez). Les toiles réunies au musée donnent une idée suffisamment complète des particularités du réalisme espagnol qui se caractérise par son austérité et sa véracité dans le rendu des motifs et des personnages, et par la prédominance des thèmes religieux. Dans son tableau la Vierge et l’enfant, Francisco de Zurbarân exprime avec beaucoup de simplicité et une grande élévation de sentiment le thème de l’amour maternel. Les quelques objets qui sont posés à côté de la Madone jouent un rôle primordial dans ce tableau et rappellent les us et la vie quotidienne du peuple. L’œuvre de Bartholomé Esteban Murillo qui fut un remarquable peintre de genre, se caractérise par ses liens avec les motifs de la vie des simples gens. Il est l’auteur d’une série de scènes de genre où figurent des enfants des rues de Séville {Petite fille aux fruits). Antonio Pereda, peintre d’histoire et de sujets religieux, s’illustra également par ses natures mortes. Dans sa Mature morte à la pendule se trouve représenté un motif particulièrement affecté par les Espagnols : de la vaisselle de formes et de couleurs diverses. A rencontre des artistes hollandais, Pereda souligne les traits figés, « morts », des objets qu’il représente.

La peinture française qui vit le jour à la limite des XVIIe et XVIIIe siècles est représentée au musée par un groupe de portraits de parade dont le plus remarquable est le Portrait d’une jeune dame de Nicolas de Largillière. Les tableaux de l’un des plus grands artistes français du XVIIIe siècle, Antoine Watteau, le Bivouac et la Satire sur les médecins se rapportent à la première période de son œuvre. Nous y trouvons déjà l’authenticité réaliste des détails, l’ironie des caractères, la subtile fusion de la réalité et de l’illusion, la finesse de la manière picturale, qui seront les traits caractéristiques de sa maturité. La collection française renferme plusieurs travaux signés par les disciples de Watteau : Nicolas Lancret (Dame au jardin et Société à la lisière d’un bois) et Antoine Quillard (Pastorale). L’œuvre de l’unique élève de Watteau, Jean-Baptiste Pater, est représentée par le tableau intitulé la Fête du Mai. Le musée possède une excellente collection de tableaux de François Boucher qui caractérisent de manière exhaustive la création de ce représentant classique du rococo. D’une façon élégante et espiègle, il interprète la mythologie dans son tableau Jupiter et Callisto.

L’art français du XVIIIe siècle fut le théâtre de l’évolution de divers genres et du renforcement des tendances démocratiques. Ce mouvement est illustré par deux natures mortes de Jean-Baptiste Chardin et par les toiles de Jean-Baptiste Creuze (le Premier sillon), Jean-Honoré Fragonard (une Pauvre famille. Devant l’âtre), par le portrait de Louis XVI signé par Joseph-Siffred Duplessis et par le Portrait de la famille Leroy de Nicolas Bernard Lépicié.

Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, travaillèrent les illustres paysagistes Joseph Vernet (Vue du parc de la Villa Pamphili) et Hubert Robert dont nous citerons la Démolition de l’église qui figure parmi les nombreuses toiles de ce maître conservées au Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou.

Les œuvres de Louis David qui s’y trouvent furent peintes au XVIIIe siècle. L’esquisse pour le tableau Andromaque pleurant la mort d’Hector est un parfait exemple de la façon dont ce peintre s’inspire de l’histoire antique. Deux portraits (Autoportrait et Portrait de jeune homme) témoignent que pour David l’idéal humain se trouve dans la simplicité et l’élévation de l’âme.

La collection de tableaux italiens du XVIIIe siècle ne le cède en rien à la peinture française de la même époque. Les plus grands maîtres qui œuvrèrent à la limite des XVIIe et XVIIIe siècles, le Génois Alessandro Magnasco et le Bolonais Giuseppe Maria Crespi, sont représentés chacun par plusieurs toiles. La Sainte famille et Nymphes désarmant les Amours démontrent la complexité de l’art de Crespi, où s’allient dramatisme, poésie et lyrisme. La Crucifixion et le Paysage avec un ermite sont d’excellents témoignages du talent de Magnasco.

Ce que la peinture italienne du XVIIIe siècle donna de meilleur est lié à l’école de Venise. Le musée possède trois tableaux de l’un de ses plus célèbres représentants, Giovanni Battista Tiepolo: un tableau d’autel, la Vierge à l’enfant avec des saints, ainsi que deux brillantes esquisses intitulées Deux saints et la Mort de Didon. La dernière est un excellent témoignage du talent coloristique de l’artiste et démontre son don d’agencer de puissantes compositions et de conférer aux mouvements un rare dynamisme. Aux œuvres de ces deux grands maîtres, s’ajoutent les travaux de Giovanni Domenico Tiepolo, le fils de Giovanni Battista Tiepolo, de Francesco Zugno, Sebastiano Ricci et d’autres.

Le Musée des Beaux-Arts Pouchkine abrite une prestigieuse collection de paysages vénitiens et de vedute. Nous y trouvons des créations de Canaletto (la Fête des fiançailles du doge de Venise avec la mer Adriatique) et une série de travaux de Bernardo Belotto illustrant les diverses périodes de sa carrière créatrice. Parmi les chefs-d’œuvre de la galerie de peinture du Musée des Beaux-Arts Pouchkine, il nous faut mentionner la Cour à Venise et la Vue de Venise de Francesco Guardi, que l’on peut ranger parmi les meilleurs paysages italiens du XVIIIe siècle. Guardi ne se contente pas de conférer le maximum d’authenticité à sa vue, mais il s’applique aussi à rendre l’atmosphère spécifique de Venise. Il sut mieux que quiconque représenter la beauté picturale et élégiaque de cette ville. La collection abrite encore une rare composition de Guardi intitulée Alexandre le Grand devant le corps de Darius.

Le musée ne possède que peu de tableaux anglais, mais on y trouve de remarquables portraits signés par John Hoppner, John Opey, Thomas Lawrence et George Dawe. Les particularités du paysage anglais peuvent être observées sur les tableaux de George Morland, Joseph Wright et John Crome. La perle de la collection de paysages anglais est une toile de John Constable intitulée Highgate vu des collines de Hampstead. Dans cette petite étude se trouvent réunis tous les traits caractérisant l’art de Constable: précision de l’observation, approche spontanée, rendu poétique de la nature.

La peinture européenne du XIXe siècle est représentée au musée par des œuvres de la plus haute qualité. L’école française y occupe à bon droit une place privilégiée. Il faut pourtant indiquer qu’il n’y a que fort peu de tableaux peints au début du siècle, comme c’est le cas pour la plupart des musées hors de France. Parmi les travaux des élèves de David, se distinguent le Portrait de Napoléon Ier de François Gérard et le Portrait équestre du prince Youssoupov de Jean-Antoine Gros. Les traditions du classicisme se font encore sentir dans les toiles religieuses de Pierre-Paul Prud’hon et Dominique Ingres (la Vierge à l’hostie).

Le romantisme qui prédomina durant les premières décennies du XIXe siècle est illustré par des toiles de deux grands représentants de ce mouvement : Eugène Delacroix et Théodore Géricault. Le premier se plut à représenter des naufrages (Après le naufrage) où l’élément maritime est une métaphore de la vie humaine. Dynamisme de la composition, contrastes des ombres et de la lumière, intensité des couleurs, tels sont les traits qui caractérisent le romantisme en peinture. L’Etude d’homme nu est l’unique œuvre de Géricault conservée en Russie.

Le paysage français est montré par une excellente collection de tableaux peints entre 1830 et 1870. Y figurent avant tout des œuvres dues aux fondateurs du paysage réaliste français, les peintres de l’école de Barbizon : Théodore Rousseau ( Vaches à la mare, Dans la forêt de Fontainebleau), Jules Dupré (Soir, la Marée basse en Normandie, Chênes au, bord du chemin), Constant Troyon (L’Approche de l’orage), Diaz de la Pena (Jour de pluie) et Charles François Daubigny (Matin, Londres, Soir à Ronfleur).
Le musée possède de très belles toiles de Jean-Baptiste Camille Corot, l’un des plus illustres paysagistes du XIXe siècle. Parmi ses meilleurs tableaux, nous devons citer Matin à Venise, Coup de vent, Charrette de foin. Temps orageux. Pas-de-Calais. Corot évite les couleurs vives, leur préférant les nuances argentées et dorées des gris et des bruns. La sensibilité extrêmement subtile de ce peintre en fait un des précurseurs de l’impressionnisme.

L’œuvre de Gustave Courbet n’est représentée au Musée des Beaux-Arts Pouchkine que par des paysages dont le plus remarquable est le Chalet dans les montagnes appartenant à sa dernière période suisse. Deux petites toiles de Jean-François Millet, les Meules et les Ramasseuses de bois mort, se rapportent au thème principal de l’œuvre du peintre : le labeur des paysans et la nature.

La collection de tableaux impressionnistes et postimpressionnistes du Musée des Beaux-Arts Pouchkine jouit d’une renommée mondiale. La création de chacun des grands maîtres de cette période y est représentée par plusieurs toiles importantes; seul Edouard Manet, célèbre artiste de la seconde moitié du XIXe siècle n’est présent au musée que par deux ouvrages qui, en outre, sont inachevés : le « Bouchon » et le Portrait d’Antonin Proust. Les œuvres de Claude Monet réunies dans la collection du musée exposent toutes les étapes de la carrière du maître, depuis le Déjeuner sur l’herbe peint en 1866 jusqu’à ses travaux réalisés dans les années 1910, où prédomine le caractère décoratif de la peinture et des sujets. Les meilleurs tableaux de Claude Monet, le Boulevard des Capucines, Mouettes. Londres, le Parlement, la Cathédrale de Rouen. Midi, les paysages de Camille Pissarro, Avenue de l’Opéra et Terre labourée, d’Alfred Sisley, Gelée à Louveciennes, montrent tous une extrême subtilité et beaucoup de poésie dans le rendu de la nature. Les Impressionnistes se plurent à fixer sur leurs toiles leur vision spontanée du monde et d’en exprimer le mouvement et les rythmes. Ils mirent à profit la pureté des couleurs qu’ils apposaient sur la toile par de petites touches légères de diverses factures.

Les cinq tableaux d’Auguste Renoir réunis au musée sont incontestablement au nombre des chefs-d’œuvre de cet artiste. Nous pouvons nommer ici son Nu et son Etude pour le portrait de Jeanne Samary. Renoir exprima son admiration pour ses modèles par les moyens de la couleur dont il fit ressortir l’infinie richesse des nuances et la luminosité.
Dans ses œuvres consacrées aux thèmes des courses et du ballet, Edgar Degas fit preuve d’un extraordinaire don d’observation et donna toute la mesure de son talent pour exprimer les mouvements de ses modèles. Le musée possède quatorze toiles de Paul Cézanne, et trois d’entre elles peuvent être rangées parmi les chefs-d’œuvre de ce grand maître de la peinture française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle : ce sont le paysage intitulé les Bords de la Marne, la nature morte Pêches et poires et la composition Mardi gras (Pierrot et Arlequin). Dans ces tableaux, Cézanne réalisa cette perfection compositionnelle et coloristique qu’il rechercha durant toute sa carrière artistique. Comme chaque peintre impressionniste, Cézanne s’efforça de rénover l’art, mais il le fit en mettant en relief les qualités permanentes des objets : le volume, la structure et le poids.
Le monde complexe et contradictoire de Vincent Van Gogh est exprimé avec une rare puissance artistique dans des œuvres telles que la Ronde des prisonniers et le Paysage d’Auvers après la pluie. L’esprit tourmenté de cet artiste au destin tragique se traduisit dans des motifs d’une rare force émotionnelle qui trahissent un amour profond pour l’homme et une quête incessante de justice.

La collection de tableaux de Paul Gauguin du Musée des Beaux-Arts Pouchkine est l’une des plus riches au monde. Parmi ses toiles peintes en France, nous citerons Café à Arles et la Nature morte aux fruits, et au nombre de celles réalisées durant sa période tahitienne, nous mentionnerons Es-tu jalouse?, la Femme du roi et la Cueillette des fruits. Gauguin s’efforça de trouver l’harmonie, le bonheur et la liberté parmi des hommes dont la vie et les mœurs n’étaient pas encore marquées par les tares de la civilisation bourgeoise. Les tableaux de la période tahitienne sont empreints d’une quiétude solennelle; le peintre y trace des formes simplifiées et monumentales; le coloris est agencé en de larges surfaces de vives couleurs locales qui semblent remplies de soleil.

Les autres écoles européennes du XIXe siècle ne sont pas aussi bien représentées que la peinture française. Néanmoins, les œuvres que possède le inusée peuvent nous donner une idée du développement de l’art européen en dehors de la France et de l’évolution des tendances démocratiques et réalistes au XIXe siècle. L’école allemande y est particulièrement bien illustrée par des tableaux de Caspar David Friedrich, l’un des plus grands représentants du romantisme allemand (Paysage montagneux). Les traditions du romantisme se manifestent également dans l’œuvre d’Arnold Boklin (Printemps).

La peinture française occupe une place de choix dans l’ensemble de peinture du XXe siècle. La collection d’œuvres de Picasso, réunissant des créations se rattachant aux périodes bleue et rosé, jouit d’une célébrité mondiale (le Vieux Juif, Espagnole de l’île de Majorque, Petite fille sur une boule). Ces travaux qui constituent un des sommets de l’œuvre de Picasso, expriment une profonde compassion à l’égard de l’homme. Le thème principal de la première période de de l’artiste est celui des liens d’amitié entre les hommes se soutenant les uns les autres afin de survivre dans un monde maussade et cruel. Aucune tendance moderne du début du siècle, qui rompit avec l’art traditionnel, ne produisit des formes aussi dramatiques que celles du cubisme. Dans ses œuvres cubistes (Portrait d’Ambroise Vollard, la Reine Isabeau, le Violon), Picasso rejette les valeurs ordinaires du monde des objets et reconstruit ses formes au moyen de surfaces brisées se superposant.

Le Musée des Beaux-Arts Pouchkine peut se vanter de posséder une prestigieuse collection de toiles d’Henri Matisse témoignant de l’évolution de l’œuvre du peintre au cours des différentes périodes de sa carrière. Toutefois, la plupart des toiles de Moscou se rapportent aux années 1900-1910; l’on y trouve d’incontestables chefs-d’œuvre: Nature morte en rouge de Venise, les Poissons rouges, l’Atelier du peintre, les Capucines à «la Danse» et le panneau la Danse. L’art de Matisse a pour fondement l’harmonie de teintes fortes et pures, et la musicalité des rythmes des silhouettes; les toiles de Matisse sont un hymne à la vie et à la beauté de l’homme et du monde.

L’œuvre de Georges Rouault, Maurice de Vlaminck et André Derain est représentée par des toiles fauves de ces peintres. Les paysages d’Albert Marquet peuvent être rangés parmi les meilleures créations de ce genre dans la peinture française du XXe siècle. La galerie de peinture du musée abrite un nombre important de travaux de peintres français du début de notre siècle, parmi lesquels Henri Rousseau, Pierre Bonnard et Edouard Vuillard.

L’histoire de la peinture européenne du milieu du XXe siècle est illustrée par une exposition moins complète, bien que cette partie de la galerie possède de remarquables travaux des Allemands Hans Grundig et Bert Heller, des Français Amédée Ozenfant, Léopold Survage, Fernand Léger et Raoul Dufy, des Italiens Giorgio de Chirico, Achille Funi et Renato Guttuso, des Tchèques Josef Čapek et Antonin Prochâzka, des Américains Rockwell Kent et Anton Refre-gier, des Mexicains Diego Rivera et Siqueiros, des Espagnols Joan Mirô et Albert Sanchez, du Roumain Corneliu Baba et du Bulgare Zlato Bojadgiev.

De nos jours, le Musée des Beaux-Arts Pouchkine est en possession de l’une des meilleures collections d’art européen en Russie, tandis que l’ensemble de travaux de peintres contemporains qu’elle détient illustre brillamment la richesse et la diversité des tendances et des individualités créatrices qui constituent l’art du XXe siècle.

Texte d’introduction et réalisation d’Irina Antonova.